George Sand



GABRIEL

ROMAN DIALOGUE




NOTICE

J'ai écrit Gabriel à Marseille, en revenant d'Espagne,mes enfants jouant autour de moi dans une chambred'auberge.—Le bruit des enfants ne gêne pas. Ils vivent,par leurs jeux mêmes, dans un milieu fictif, où la rêveriepeut les suivre sans être refroidie par la réalité. Eux aussid'ailleurs appartiennent au monde de l'idéal, par la simplicitéde leurs pensées.

Gabriel appartient, lui, par sa forme et par sa donnée,à la fantaisie pure. Il est rare que la fantaisie des artistesait un lien direct avec leur situation. Du moins, elle n'apas de simultanéité avec les préoccupations de leur vieextérieure. L'artiste a précisément besoin de sortir, parune invention quelconque, du monde positif qui l'inquiète,l'oppresse, l'ennuie ou le navre. Quiconque ne sait pascela, n'est guère artiste lui-même.

GEORGE SAND.
Nohant, 2l septembre 1854.

A ALBERT GRZYMALA,
(Souvenir d'un frère absent.)



PERSONNAGES.

LE PRINCE JULES DE BRAMANTE.
GABRIEL DE BRAMANTE, son petit-fils.
LE COMTE ASTOLPHE DE BRAMANTE.
ANTONIO.
MENRIQUE.
SETTIMIA, mère d'Astolphe.
LA FAUSTINA.
PERINNE, revendeuse à la toilette.
LE PRÉCEPTEUR de Gabriel.
MARC, vieux serviteur.
FRERE COME, cordelier, confesseur de Settimia.
BARBE, vieille demoiselle de compagnie de Settimia.
GIGLIO.
UN MAÎTRE DE TAVERNE.
BANDITS, ÉTUDIANTS, SBIRES, JEUNES GENS ET COURTISANES.



PROLOGUE.

Au château de Bramante.



SCÈNE PREMIÈRE.

LE PRINCE, LE PRÉCEPTEUR, MARC.

(Le prince est en manteau de voyage, assis sur unfauteuil. Le précepteur est debout devant lui. Marclui sert du vin.)

LE PRÉCEPTEUR.

Votre altesse est-elle toujours aussi fatiguée?

LE PRINCE.

Non. Ce vieux vin est ami du vieux sang. Je me trouvevraiment mieux.

LE PRÉCEPTEUR.

C'est un long et pénible voyage que votre altesse vientde faire... et avec une rapidité....

LE PRINCE.

A quatre-vingts ans passés, c'est en effet fort pénible.Il fut un temps où cela ne m'eût guère embarrassé. Jetraversais l'Italie d'un bout à l'autre pour la moindreaffaire, pour une amourette, pour une fantaisie; etmaintenant il me faut des raisons d'une bien haute importancepour entreprendre, en litière, la moitié dutrajet que je faisais alors à cheval.... Il y a dix ans queje suis venu ici pour la dernière fois, n'est-ce pas, Marc?

MARC, très-intimidé.

Oh! oui, monseigneur.

LE PRINCE.

Tu étais encore vert alors! Au fait, tu n'as guère quesoixante ans. Tu es encore jeune, toi!

MARC.

Oui, monseigneur.

LE PRINCE, se retournant vers le précepteur.

Toujours aussi bête, à ce qu'il paraît? (Haut.) Maintenantlaisse-nous, mon bon Marc, laisse ici ce flacon.

MARC.

Oh! oui, monseigneur. (Il hésite à sortir.)

LE PRINCE, avec une bonté affectée.

Va, mon ami....

MARC.

Monseigneur... est-ce que je n'avertirai pas le seigneurGabriel de l'arrivée de votre altesse?

LE PRINCE, avec emportement.

Ne vous l'ai-je pas positivement défendu?

LE PRÉCEPTEUR.

Vous savez

...

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