VÉRITABLESMÉMOIRES DE CAGLIOSTRO

PAR
CATULLE MENDÈS ET RICHARD LESCLIDE

QUATRIÈME ÉDITION

PARIS
E. DENTU, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES
3, PLACE DE VALOIS

1892
Tous droits réservés

PRÉFACE

Lecteur,

Tu es peut-être en droit de nous demander si cesMémoires sont réellement authentiques.

Ils le sont.

Ou du moins nous ne voyons pas de raison pourqu’ils ne le soient pas en effet, puisque les circonstancesqu’ils relatent sont conformes aux mœursvéritables et au caractère de l’illustre comte de Cagliostro.

Accepte-les donc pour l’œuvre personnelle duGrand-Cophte.

Si tu nous demandais par quelle suited’aventures le manuscrit de ces Confessions estarrivé entre nos mains, tu en serais puni par unehistoire que nous te raconterions.

Une bonne vieille, du nom de Lorenza, vivaitencore à Rome en 1649, à l’époque de l’occupationfrançaise. Elle demeurait dans une de ces petitesrues qui avoisinent San Bartolomeo, dans l’île Tibérine.Tous les jours de soleil, — ces jours-là sontfréquents à Rome, — la vieille sortait de sa maison etvenait s’asseoir au bord du Tibre, sur une petitechaise qu’elle traînait après elle. Elle écoutait le babild’un bateau de blanchisseuses voisin, et se réjouissaitdes éclats de rire de cette jeunesse. Lesoleil lui chauffait le dos, le rire lui chauffait le cœur.

Nous aimions aussi les blanchisseuses. Elles noussaluaient sans se retourner, rajustant sur leurscheveux défaits leur mouchoir de tête. Nous nousplantions bravement au bord de l’eau, servant decible à leurs quolibets, quelquefois à leurs sourires.Les Romains aiment les compliments en face ; il eûtété impertinent de ne pas l’être. La vieille s’amusaità ces joutes galantes et entreprenait quelquefoisde nous soutenir par de bons propos. Elle parlaitbien, comme une personne qui a vu le monde.On disait qu’elle avait été autrefois la femme d’unfameux magicien ; elle se mêlait elle-même de direla bonne aventure et vivait de sa sorcellerie.

C’était une sorcière bienveillante ; une belle vieillequi avait du être une jeune belle. Elle nous empruntaitvolontiers quelques baïoques pour acheter dutabac dont elle se bourrait le nez. Cela nos avaitfait amis.

Un soir qu’elle se plaignit d’une de ses jambesqui ne voulait pas la suivre, nous lui offrîmes notrebras et l’accompagnâmes chez elle, aux bravos unpeu moqueurs des lavandières qui nous félicitaientde notre conquête. Nous les laissâmes rire. Nouseûmes le courage de notre charité. Lorenza en futtouchée. Elle nous dit son nom, nous montra deslettres et des papiers qu’elle avait dans un tiroir. Ilsétaient curieux. La bonne vieille ne savait pas lire.Elle nous les prêta. Les voici.

VÉRITABLES MÉMOIRES DE CAGLIOSTRO

LIVRE PREMIER
L’ADOLESCENCE D’UN IMMORTEL

I
Où sont relatées les raisons qui me décidentà écrire mes mémoires.

Que vient de m’apprendre Fra Pancrazio, mongeôlier et ami ? La Révolution française se fâche, etle roi Louis a été décapite au moyen d’une machineappelée « guillotine », qu’un médecin français s’imagineavoir inventée, bien qu’elle ait été employée, ily a fort longtemps déjà, à Rome particulièrement,car on lit dans la relation du supplice des Cenci :« Quand la signora Lucrezia se fut étendue sur laplanche, le bourreau lâcha le ressort, et le couperettomba. »

Un peuple libre, un roi tué, que d’histoire en peude jours ! Et

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!