Comte Léon Tolstoï

LA GUERRE ET LA PAIX


TOME III

(1863-1869)

Traduction par UNE RUSSE


CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI

TROISIÈME PARTIE

BORODINO—LES FRANÇAIS À MOSCOU ÉPILOGUE

1812—1820


CHAPITRE PREMIER

I

Le 5 septembre eut lieu le combat de Schevardino; le 6, pas un coup defusil ne fut tiré de part ni d'autre, et le 7 vit la sanglante bataillede Borodino! Pourquoi et comment ces batailles furent-elles livrées? Onse le demande avec stupeur, car elles ne pouvaient offrir d'avantagessérieux ni aux Russes ni aux Français. Pour les premiers, c'étaitévidemment un pas en avant vers la perte de Moscou, catastrophe qu'ilsredoutaient par-dessus tout, et, pour les seconds, un pas en avant versla perte de leur armée, ce qui devait sans nul doute leur causer la mêmeappréhension. Cependant, quoiqu'il fût facile de prévoir cesconséquences, Napoléon offrit la bataille et Koutouzow l'accepta. Si desraisons véritablement sérieuses eussent dirigé les combinaisonsstratégiques des deux commandants en chef, ni l'un ni l'autre n'auraitdû dans ce cas s'y décider, car évidemment Napoléon, en courant lerisque de perdre le quart de ses soldats à deux mille verstes de lafrontière, marchait à sa ruine, et Koutouzow, en s'exposant à la mêmechance, perdait fatalement Moscou.

Jusqu'à la bataille de Borodino, nos forces se trouvaient, relativementaux forces ennemies, dans la proportion de 5 à 6, et après la bataille,de 1 à 2, soit: de 100 à 120 000 avant, et de 50 à 100 000 après; etcependant l'expérimenté et intelligent Koutouzow accepta le combat, quicoûta à Napoléon, reconnu pour un génie militaire, le quart de sonarmée! À ceux qui voudraient démontrer qu'en prenant Moscou, comme ilavait pris Vienne, il croyait terminer la campagne, on pourrait opposerbien des preuves du contraire. Les historiens contemporains eux-mêmesracontent qu'il cherchait depuis Smolensk l'occasion de s'arrêter, carsi d'un côté il se rendait parfaitement compte du danger de l'extensionde sa ligne d'opération, de l'autre il prévoyait que l'occupation deMoscou ne serait pas pour lui une issue favorable. Il en pouvait jugerpar l'état où on lui abandonnait les villes, et par l'absence de touteréponse à ses tentatives réitérées de renouer les négociations de paix.Ainsi donc, tous deux, l'un en offrant la bataille, l'autre enl'acceptant, agirent d'une façon absurde et sans dessein arrêté. Maisles historiens, en raisonnant après coup sur le fait accompli, entirèrent des conclusions spécieuses en faveur du génie et de laprévoyance des deux capitaines, qui, de tous les instruments employéspar Dieu dans les événements de ce monde, en furent certainement lesmoteurs les plus aveugles.

Quant à savoir comment furent livrées les batailles de Schevardino et deBorodino, l'explication des mêmes historiens est complètement fausse,bien qu'ils affectent d'y mettre la plus grande précision. Voici eneffet comment, d'après eux, cette double bataille aurait eu lieu:«L'armée russe, en se repliant après le combat de Smolensk, auraitcherché la meilleure position possible pour livrer une grande bataille,et

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