UN HOLLANDAIS A PARIS
EN 1891
W. G. C. BYVANCK
SENSATIONS DE LITTÉRATURE ET D’ART
PRÉFACE D’ANATOLE FRANCE
PARIS
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER
PERRIN ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS
35, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 35
1892
Tous droits réservés
Il faut bien qu’il soit dans la petite ville d’Hilversum,où l’on tisse la laine et le coton, un deces poëles de Hollande, dans lesquels le sage,comme au temps de Descartes, s’enferme pourméditer. Car M. Byvanck qui vit là, sous un cielhumide et doux, est un savant pensif, que la pratiquedes livres n’a point détourné de l’étude deshommes et qui, tout philologue qu’il est, s’intéresseau mouvement des idées. Il promène sapensée bien au delà des prairies, des canaux etdes moulins qui l’entourent; et son esprit, dansses veilles, va par les pays et remonte les âges.M. Byvanck a publié sur François Villon desétudes critiques dont nos villonistes font grandcas et qui témoignent d’une profonde connaissanceVIIIde notre vieille langue et de notre vieille littérature.On trouve à la première page d’une de cesétudes le nom de Jean Richepin rapproché decelui de François Villon, et cette association n’arien d’affecté chez M. Byvanck, qui connaît aussibien les poètes français de notre temps que ceux quivivaient sous les rois Charles VII et Louis XI.
En un bel ouvrage qui s’appelle la Poésie et lavie au XIXe siècle, M. Byvanck a étudié l’action dela société et des mœurs sur la littérature européenne,dans une période de temps qui embrassela vie et l’œuvre de Henri Heine, de Carlyle, du cardinalNewman, de Balzac, de Baudelaire, de Hebbelet Clough, d’Emerson, de Walt Whitman et deHenrik Ibsen.
Il achève en ce moment un livre sur lemouvement social et religieux de la Hollandeau commencement de ce siècle; il prépareune édition critique de deux pièces de Shakespeare,Hamlet et Juliette et Roméo; et ilmet la main à des études sur la poésie françaiseau XVe siècle et sur le jargon chez les peuplesromans. Un tel esprit, contemporain de tous lessiècles, concitoyen de tous les poètes et de tous lessavants, n’est étranger dans aucun pays de gloire.Et il ne faut point être surpris que M. Byvanck,IXdurant quelques mois passés à Paris, soit entré siavant dans l’intimité des choses et dans le secretdes âmes.
Je dirai, si l’on en veut croire un Parisien quiaime Paris comme un Italien du moyen âge oudu bienheureux quinzième siècle aimait sa v