TAMARIS

PAR

GEORGE SAND

PARIS
MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15
A LA LIBRAIRIE NOUVELLE
1862

AU DOCTEUR H. VERGNE
A BEAUREGARD

Mon ami, ce n'est pas vous qui me reprocherez de vouloirfarder la nature et dépasser la vraisemblance dans lessentiments exprimés par le narrateur de cette histoire.Vous n'en auriez pas le droit, vous qui n'avez jamaiscompris le bonheur que dans le dévouement.

GEORGE SAND.

Nohant, 10 janvier 1862.


I

En mars 1860, je venais d'accompagner de Naples à Nice, en qualité demédecin, le baron de la Rive, un ami de mon père, un second père pourmoi. Le baron était riche et généreux; mais je m'étais fait un devoirde lui consacrer gratis les premières années de ma carrière médicale:il avait sauvé ma famille de plus d'un désastre, nous lui devionstout. Il se vit contraint d'accepter mon dévouement, et il l'acceptade bonne grâce, comme un grand cœur qu'il était. Atteint, deux ansauparavant, d'une maladie assez grave, il avait recouvré la santé enItalie; mais je lui conseillai d'attendre à Nice les vrais beaux joursde l'année pour s'exposer de nouveau au climat de Paris. Il suivait maprescription; il s'établissait là pour deux mois encore et me rendaitma liberté, dont, au reste, la privation s'était peu fait sentir, grâceau commerce agréable de mon vieux ami et au charme du voyage. Ayantquelques intérêts à surveiller en Provence, une petite succession defamille à liquider pour le compte de mes parents, établis en Auvergne,je m'arrêtai à Toulon et j'y passai trois mois, durant lesquels sedéroulèrent les événements intimes que je vais raconter.

M. de la Rive ayant déjà fait un séjour forcé de plusieurs semainesdans cette ville au début de son voyage, je m'étais lié avec quelquespersonnes, et le pays ne m'était pas complétement étranger. Parmices amitiés passagèrement nouées, il en était une dont le souvenirm'attirait particulièrement, et j'appris avec un grand plaisir, dèsmon arrivée, que l'enseigne la Florade était passé lieutenant devaisseau, et se trouvait à bord du navire de guerre la Bretagne, dansla rade de Toulon. La Florade était un Provençal élevé sur la mer etdébarrassé en apparence de sa couleur locale, mais toujours Provençalde la tête aux pieds, c'est-à-dire très-actif et très-vivant d'esprit,de sentiments, de caractère et d'organisation physique. C'était pourmoi un type de sa race dans ce qu'elle a de meilleur et de plusdistingué. J'ai connu peu de natures aussi heureusement douées. Ilétait plutôt petit que grand, bien pris, large d'épaules, adroit etfort; la figure était charmante d'expression, la bouche grande, ornéede dents magnifiques, la mâchoire un peu large et carrée, sans êtrelourde, la face carrée aussi, les pommettes hautes, le cou blanc, fortet admirablement attaché, la chevelure abondante, soyeuse, un peu tropfrisée malgré le soin qu'il prenait de contrarier ce caprice obstinéde la nature; le nez était petit, sec et bien fait, l'œil d'un cristalverdâtre, clair et perçant, avec des moiteurs soudaines et attendries,des sourcils bruns bien arqués, et autour des paupières un large tonbistré qui devenait d'un rose vif à la moindre émotion. C'était làun trait caractéristique, moyennant lequel on eût pu le spécifierdans un signalement et que je n'ai vu que chez lui: bizarrerie plutôtque beauté; mais ses yeux y gagnaient une lumière et une expressionextraordinaires. S

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!