CHARLES MONSELET.

HISTOIRE ANECDOTIQUE
DU
TRIBUNAL
RÉVOLUTIONNAIRE

(17 août.–29 novembre 1792).

Avis. En raison de la nouvelle législation, relative à la propriétélittéraire, l'auteur se réserve le droit de traduction de cet ouvrage.

PARIS
D. GIRAUD ET J. DAGNEAU, LIBRAIRES-ÉDITEURS,
7, RUE VIVIENNE, AU PREMIER, 7.

1853

PARIS.—IMPRIMERIE CENTRALE DE NAPOLÉON CHAIX ET Cie,RUE BERGÈRE, 20.

HISTOIRE
DU
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE

INTRODUCTION.

I.

Un poëte allemand a fait une ballade pleine d'aspectsfantastiques et terrifiants, sur la grande revueque l'empereur, mort, vient passer à minuit dansles Champs-Elysées. C'est d'abord un tambourqui se lève de terre et dont les baguettes, frappantsur une peau diaphane, vont réveiller à lasourdine les soldats de la garde. Le tractrac nocturneretentit entre les arbres grêles et enveloppésde vapeur; il se prolonge, s'éteint et revientplus impérieux, passant plusieurs fois par les mêmesplaces. A cette voix de la guerre, des massesconfuses surgissent et s'ébranlent, des ombres sedégagent; on entrevoit, sous les suaires déchirés,des épaulettes pâles, des galons d'argent terni, desuniformes décolorés. Le vent passe avec effroi.Derrière lui, un escadron vaguement éclairé parun rayon de la lune roule sa vague blanchâtre;les plumets frissonnent, quelques épées reluisentcomme un courant d'eau aperçu par hasard; onentend un sourd piétinement de chevaux; les crinièress'échevèlent et fouettent l'air glacé. Le tambourbat toujours. Un son de trompette, clair etvibrant, traverse l'espace et enlève quelques voiles àce tableau étrange qui se meut dans le brouillard duminuit d'automne. Sous les plis d'un glorieux haillontricolore, percé, frangé, surmonté d'un aigle d'or,s'avance une forêt de bonnets d'ours, légion silencieuse,hommes graves et tristes, âmes d'enfantauxquelles les turbulences d'une guerre continue ontépargné les passions vulgaires. Ils s'avancent, cesgéants aux yeux encore endormis; ils ont cet airstoïque que donne seul le tête-à-tête perpétuelavec le canon; sur la poitrine de quelques-unsétincelle l'étoile de la Légion-d'Honneur. Devanteux marchent pesamment, la hache à l'épaule, cessapeurs en tablier de peau qui faisaient tomber lesportes des villes.

Le ciel jette une clarté avare sur ce pêle-mêle,qui bientôt se développe, s'accroît à l'infini et remplit,inonde les Champs-Elysées. Rien n'est bienprécis, mais tout est indiqué. Le noir des canonss'accuse dans un des côtés nuageux de cette grandetoile; la canne à pomme du tambour-major traceen l'air des lignes bizarres mais triomphantes;—ondirait du magicien de la victoire;—les croupesdes chevaux cabrés s'étalent à deux pouces dusol. Peu à peu, un tressaillement général, semblableà une menace de tempête, circule à traversles rangs noyés de cette foule militaire;un commandement retentit: Portez armes! etl'on entend une vaste secousse métallique, unbruit pareil à celui que ferait un énorme sac d'argenttombant de très haut. Puis, la vision s'immobilise.On sent qu'il va se passer quelque chose degrand; les yeux, les oreilles, les esprits sont dansl'attente; personne n'ose respirer. Tout à coup, dufond des Champs-Elysées, là-bas où le regard seperd, naît une clameur faite de mille voix, qui serapproche, s'étend, court et galope,—escortant untourbillon

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