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Title: Le Dernier Jour d'un CondamnéEncoding: ISO-8859-1Source:Victor Hugo (1802-1885),"Oeuvres Complètes de Victor Hugo",Tome XIX, Roman II,Paris, J. Hetzel & Cie, 18, rue Jacob,et A. Quantin & Cie, Fbrg Saint-Benoit, 7,1881.
Préface de 1832
Il n'y avait en tête des premières éditions de cet ouvrage, publiéd'abord sans nom d'auteur, que les quelques lignes qu'on va lire :
"Il y a deux manières de se rendre compte de l'existence de celivre. Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers jaunes et inégauxsur lesquels on a trouvé, enregistrées une à une, les dernièrespensées d'un misérable ; ou il s'est rencontré un homme, un rêveuroccupé à observer la nature au profit de l'art, un philosophe, unpoète, que sais-je ? dont cette idée a été la fantaisie, qui l'a priseou plutôt s'est laissé prendre par elle, et n'a pu s'en débarrasserqu'en la jetant dans un livre."
"De ces deux explications, le lecteur choisira celle qu'il voudra."
Comme on le voit, à l'époque où ce livre fut publié, l'auteur ne jugeapas à propos de dire dès lors toute sa pensée. Il aima mieux attendrequ'elle fût comprise et voir si elle le serait. Elle l'a été. L'auteuraujourd'hui peut démasquer l'idée politique, l'idée sociale, qu'ilavait voulu populariser sous cette innocente et candide formelittéraire. Il déclare donc, ou plutôt il avoue hautement que LeDernier Jour d'un Condamné n'est autre chose qu'un plaidoyer, directou indirect, comme on voudra, pour l'abolition de la peine de mort. Cequ'il a eu dessein de faire, ce qu'il voudrait que la postérité vîtdans son oeuvre, si jamais elle s'occupe de si peu, ce n'est pas ladéfense spéciale, et toujours facile, et toujours transitoire, de telou tel criminel choisi, de tel ou tel accusé d'élection ; c'est laplaidoirie générale et permanente pour tous les accusés présents et àvenir ; c'est le grand point de droit de l'humanité allégué et plaidéà toute voix devant la société, qui est la grande cour de cassation ;c'est cette suprême fin de non-recevoir, abhorrescere a sanguine,construite à tout jamais en avant de tous les procès criminels ; c'estla sombre et fatale question qui palpite obscurément au fond de toutesles causes capitales sous les triples épaisseurs de pathos dontl'enveloppe la rhétorique sanglante des gens du roi ; c'est laquestion de vie et de mort, dis-je, déshabillée, dénudée, dépouilléedes entortillages sonores du parquet, brutalement mise au jour, etposée où il faut qu'on la voie, où il faut qu'elle soit, où elle estréellement, dans son vrai milieu, dans son milieu horrible, non autribunal, mais à l'échafaud, non chez le juge, mais chez le bourreau.
Voilà ce qu'il a voulu faire. Si l'avenir lui décernait un jour lagloire de l'avoir fait, ce qu'il n'ose espérer, il ne voudrait pasd'autre couronne.
Il le déclare donc, et il le répète, il occupe, au nom de tous lesaccusés possibles, innocents ou coupables, devant toutes les cours,tous les prétoires, tous les jurys, toutes les justices. Ce livre estadressé à quiconque juge. Et pour que le plaidoyer soit aussi vasteque la cause, il a dû, et c'est pour cela que Le Dernier