L'Illustration, No. 3271, 4 Novembre 1905
Ce numéro contient:
L'ILLUSTRATION THÉÂTRALE avec le texte complet duMasque d'Amour, par Daniel Lesueur.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN PORTUGAL
L'arrivée àLisbonne: M. Loubet et le roi Carlos, dans le carrosse de Jean V, serendent de la gare au palais de Belem. Dessin d'après nature de GeorgesScott.
Nous publierons successivement dans nos numéros de novembre et décembre:
LA MARCHE NUPTIALE, par Henry Bataille;
LES OBERLÉ, par Edmond Haraucourt, d'après le roman de René Bazin;
LA RAFALE, par Henry Bernstein;
BERTRADE, par Jules Lemaitre.
Nous commencerons, le 18 novembre, la publication d'un nouveau roman deJ.-H. Rosny: LA TOISON D'OR.
Nous sommes des ingrats. J'ai feuilleté, cette semaine, un grand nombrede journaux; je n'ai pas vu qu'on s'y apitoyât beaucoup sur le sort dece pauvre Foottit, dont une dépêche anglaise nous contait--en deuxlignes, d'ailleurs--l'aventure tragique: le plus joyeux des clownsétait, paraît-il, devenu subitement fou. Le petit homme dont lasilhouette bouffonne et les cabrioles éperdues égayèrent si longtempsnos cirques parisiens, et à qui tant d'enfants durent de si précieusesminutes de joie, enfermé dans un cabanon d'aliénés! Triste fin. Parmices milliers de gamins que Foottit amusa, et qui sont devenus deshommes, il y en a bien, je suppose, quelques-uns que le hasard a faitsjournalistes. J'aurais souhaité qu'ils parlassent de Foottit avec plusde gratitude. Car elle doit être lamentable, cette profession d'amuseurquand même et j'imagine ce qu'il peut y avoir de mélancolie atroce,par moments, au fond d'une âme de pitre. Faire rire! Accomplir le devoirquotidien d'être comique, et ne pouvoir subsister qu'à la conditiond'offrir à la vue de la foule le spectacle ininterrompu des pirouetteset des grimaces qu'elle aime; être un homme comme tous les autres--quemenacent les pires tristesses humaines--et, quoi qu'il arrive, demeureruniquement, éternellement, en face de cette foule, «l'homme qui rit»...C'est, en effet, de quoi devenir fou. Mais le bon clown nous télégraphieà l'instant que la nouvelle est fausse. Tant mieux! Foottit n'était quetrès malade et se contentera de rester l'un des hommes les plus morosesde son temps...
Car si tous, heureusement, ne perdent point la tête à ce dur métier-là,presque tous y laissent leur gaieté. J'ai souvent remarqué l'airmélancolique des comédiens que leur «emploi» confine dans les rôles debouffonnerie pure; et aussi de la plupart des humoristes dont le rôle,en littérature, est de nous faire rire. Le bon Alphonse Allais, quivient de mourir, fut un de ces humoristes-là; et je ne me souviens pasd'avoir rencontré sur le boulevard de figure plus étrangement attristéeque la sienne. On me dit qu'il était fort instruit. Qui sait si la vagueambition de conquérir la gloire par des moyens «graves» ne hanta pointcet amuseur? Mais ce rêve-là lui était interdit. Nous som