COMTESSE MATHIEU DE NOAILLES

La
Domination

— ROMAN —

Pyrrhus ne pouvait être heureux ni avantni après avoir conquis le monde.

Pascal.

PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3

CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS

DU MÊME AUTEUR
Format in-18.

LE CŒUR INNOMBRABLE(Ouvrage couronné parl'Académie française)1vol.
L'OMBRE DES JOURS1
LA NOUVELLE ESPÉRANCE1
LE VISAGE ÉMERVEILLÉ1

Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous les pays,y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.

IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGÈRE, 20, Paris. — 9548-5-05. — (Encre Lorilleux).

Aux jeunes écrivains de France,
à ceux dont la sympathie
m'a chaque jour dans mon travail aidée,
je dédie ce livre.

A. N.

LA DOMINATION

I

Antoine Arnault riait doucement de plaisiren regardant devant lui l'azur du soir,où chaque marronnier semblait un jardinsolitaire et haut.

A demi couché dans la grêle voiture quile conduisait le long de l'avenue, satisfait,il pensait à soi.

Il se sentait en cet instant le cœur légeret libre. La vie devant lui était si bellequ'il la prenait dans ses deux mains, luisouriait, la baisait comme un visage.

Il avait vingt-six ans. Le second livrequ'il venait d'écrire le rendait célèbre, et,las d'une liaison qui durait depuis troisannées, il avait la veille rompu avec samaîtresse.

Ah! comme il se sentait empli de force,de plaisir, d'adresse et de mélancolie!

La tête renversée, il regardait le soleilcouchant, la cime pâlie des arbres, toutesles douces formes de l'espace et il pensait :

« Il n'est pas de plus verte royauté quela mienne. Je regarde passer les hommes etje suis surpris parce qu'ils passent près demoi sans attention et sans envie. Ils nesavent pas ce que j'ai dans le cœur : s'ilsle savaient, ils voudraient toucher mesmains et mes yeux pour être à leur tourenflammés. Je regarde les hommes ; je lesméprise parce qu'ils sont simples, débonnaireset affairés ; ceux qui m'aiment ontassez de m'aimer sans que je les aime àmon tour… Les femmes, plus douces et plusfières, m'irritent, mais je joue avec leursecret et leur faiblesse, je sais les limites dela plus sage : le contour de leur âme estcomme leur regard, tout cerné de langueuret de désir. »

Et le jeune homme se rappela le visage desa maîtresse.

Depuis six mois il ne l'aimait plus. Unjour, il avait senti la fin de cet amour commeon sent l'abîme. Il avait lutté, non par tendressepour l'autre, mais pour se sauversoi-même, pour ne point périr, pour arracheraux ténèbres et continuer, s'il se pouvait,tant de sensations d'adolescence, de rêverie,de confiance et de plaisir. Ce fut en vain.Cette maîtresse maternelle et ardente, dontle dévouement ne pouvait pas changer, brusquement,un matin, sans raison, lui appa

...

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