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Après avoir occupé une des premières places à la tête de la banqueparisienne pendant la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe,la maison Charlemont avait vu son importance s'amoindrir assez vitelorsque, de la direction de Hyacinthe Charlemont, elle était passée souscelle d'Amédée Charlemont, fils de son fondateur.
C'était toujours la même maison cependant, le même nom, mais ce n'étaitplus du tout le même homme, et si le fils succédait au père en vertu dudroit d'héritage, il ne le remplaçait pas.
Né dans une famille de pauvres gens des Ardennes, Hyacinthe Charlemontétait arrivé à Paris avec trois francs en poche pour commencerl'apprentissage de la vie dans une boutique de la rue aux Ours, etc'était de là qu'il était parti pour devenir successivement petit commisdans une maison de banque, caissier, puis directeur de cette maison,régent de la Banque de France, président de la Chambre de commercede Paris, député, ministre et pair de France. Et partout à sa place,toujours au-dessus de la position qu'il avait conquise à force detravail, de volonté, d'application, d'intelligence, de hardiesse, etaussi, jusqu'à un certain point, par des qualités naturelles qui avaientaidé ses efforts: un caractère facile, une humeur gaie, des manièresliantes. Mais ce qui plus que tout encore avait fait sa fortune, ç'avaitété la façon dont il avait compris le rôle que les circonstances luipermettaient de remplir: à une époque où le crédit public existait àpeine, il avait largement mis ses capitaux, ceux de sa maison aussi bienque les siens propres, au service de ses idées et de son parti; et sison parti ne les lui avait pas toujours rendus, il lui en avait au moinspayé les intérêts en renommée, si bien que dix journaux, vingt journauxdont il payait les amendes ou dont il faisait le cautionnement avaienttous les jours célébré ses mérites et chanté sa gloire. «Notre grandfinancier Charlemont, notre grand citoyen Charlemont», était une phrasequ'on aurait pu clicher dans les imprimeries des journaux libéraux.Comme avec cela ses rivaux ou ses ennemis étaient obligés de rendrejustice à la supériorité en même temps qu'à la droiture avec laquelleil traitait les affaires, cette renommée avait été universellementacceptée, et Charlemont était devenu populaire autant pour ses opinionsqui étaient celles de la partie la plus remuante du pays, que pour sesrichesses dont il faisait réellement un noble usage, secourant toutesles infortunes, soutenant tout ce qui méritait d'être encouragé,même chez ses adversaires, pour le plaisir de bien faire et sansarrière-pensée d'intérêt personnel. Chose rare, le succès ne l'avaitpoint grisé et quand Louis-Philippe, à qui il avait rendu des servicesde toutes sortes, avait voulu les lui payer économiquement en le faisantbaron, il avait refusé: «Je mets mon orgueil dans mon humble origine»,avait-il répondu à son roi. En effet, bourgeois il avait été toutesa vie, bourgeois il voulait rester; c'était chez lui affaire decoquetterie et de vanité; le mot «bourgeois» était celui qu'il répétaità tout propos, il ne voyait rien au-dessus ni au delà; ses idées, sesopinions, ses ambitions, son existence avaient été bourgeoises, rien quebourgeoises, et dans son vaste cabinet de travail il avait pour touteoeuvre d'art un grand dessin, sp