LE BAISER AU LÉPREUX


«LES CAHIERS VERTS»

PUBLIÉS SOUS LA DIRECTION DE DANIEL HALÉVY

LEBAISER AU LÉPREUX

PAR
FRANÇOIS MAURIAC

précédé d'une lettre de DANIELHALÉVY a FRANÇOIS MAURIACet d'un hommage de J.-J. THARAUDà HENRI GENET.

PARIS

BERNARD GRASSET, ÉDITEUR

61, RUE DES SAINTS-PÈRES, PARIS, 6e

1922


CE HUITIÈME CAHIER, LE PREMIER DEL'ANNÉE MIL NEUF CENT VINGT-DEUX, AÉTÉ TIRÉ A SIX MILLE SEPT CENT TRENTEEXEMPLAIRES DONT TRENTE EXEMPLAIRESSUR PAPIER VERT LUMIÈRE NUMÉROTÉS DEI A XXX; CENT EXEMPLAIRES SUR VÉLINPUR FIL LAFUMA, NUMÉROTÉS DE XXXI ACXXX, ET 6.600 EXEMPLAIRES SUR VERGÉBOUFFANT NUMÉROTÉS DE 131 A 6.730.

1,541


LETTREA FRANÇOIS MAURIAC

Vous m'avez demandé, mon cher Mauriac,une préface pour votre conte. Non,vous ai-je répondu, à quoi bon? Un contese lit, se donne à lire; on le rejette ou l'apprécie,et cela dit tout. Si des considérationscritiques l'accompagnent, elles nepourront qu'encombrer, qu'indisposer lelecteur. Sur moi du moins elles feraientcet effet.

Mais écoutez; puisque vous avez eucette idée d'une sorte de préliminaireà votre récit, laissez-moi vous faire uneproposition: elle est un peu sévère,je crois que vous l'agréerez pourtant.

Nous venons de perdre un ami que nousestimions tous pour son amour des lettres.Il n'avait jamais beaucoup écrit, il écrivaitde moins en moins. Mais il lisaitde plus en plus, il lisait admirablement.Il avait la sévérité, la bienveillance, lesqualités exquises. S'il vivait aujourd'hui,je me ferais une fête de lui porter votreconte et de lui dire: «Lisez cela, Genet,je vous prie; et quand vous l'aurez luvous m'en direz votre pensée.» De cettepensée, j'ose être sûr.

Vous ne le connaissiez pas. Il étaitvotre aîné, et menait une vie fort discrète.Mais je vous l'ai décrit tout entier en vousle qualifiant d'un mot: il était un lecteur.Un lecteur: il faut sans doute être dumétier pour savoir ce que signifie pourl'homme qui écrit le comparse invisiblequi va le lire et l'écouter; un lecteur:c'est un peu notre affaire de chercher,de rassembler ici tous ceux de cette race...Là-dessus, et sur Henri Genet lui-même,j'en dirais long, si je ne m'en trouvaispar ailleurs dispensé. Tharaud, près deson corps, dans cette chambre studieuseaux murs chargés de livres et décorésd'estampes d'où on allait l'emporter devantnous, Tharaud, son ami de toujours,a dit les meilleures paroles. Je les lui aidemandées, il me les a données. Lesvoici, vous les lirez.

Je vous demande donc, mon cher Mauriac,que vous me laissiez écrire en têtede ce Cahier le nom d'Henri Genet,lettré parfait, lecteur parfait, ami parfait.Je ne saurais, en vérité, vous mieuxtémoigner le cas que je fais de votre jeunetalent.

DANIEL HALÉVY.


HOMMAGEA HENRI GENET

à Madame HENRI GENET.

C'était dimanche soir. Il était en trainde lire. Le livre lui tombe des mains. Vous,chère amie, vous accourez, et déjà il n'étaitplus. Hélas! au long de ces dernières années,que d'amis nous avons vu disparaître,et de quelle mort soudaine! Mais à laguerre, nous étions tous entourés par lamort, quand elle prenait l'un de nous,on s'inclinait sans colère, sans reproche,sans étonne

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