OU RECHERCHE DES PRINCIPES QUI DEVRAIENT RÉGLER L'ORTHOGRAPHE ET LAPRONONCIATION.
PAR F. GÉNIN,
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES DE STRASBOURG.
«Vox populi.»
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,
Rue Jacob, 56.
1845.
La Table des chapitres figure après l'introduction.
L'original comporte également un Index absent de la table des matières.
Des notes plus détaillées figurent à la fin du texte.
PARIS.—TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, RUE JACOB, 56.
La faculté de penser est illimitée, et rienn'est au contraire plus borné, plus rebelleque la parole; en sorte que l'on pourrait presquedouter si la parole est destinée à favoriserou à contrarier l'essor de la pensée.
Depuis tantôt six mille ans, l'homme est àla recherche d'un instrument à l'aide duquelil puisse traduire sa pensée, la produire audehors sans plus de travail qu'elle n'en demandepour naître au dedans: il n'en trouvepoint de tel. Il en choisit un, le forme, le développe,le polit, en étend les ressources; et,après un long et pénible travail, il finit par lejeter là pour essayer d'un autre, qu'il abandonnerade même un jour.
On serait épouvanté si l'on pouvait savoirle nombre de langues qui ont successivementété parlées sur la terre. De temps en temps onen retrouve d'antiques débris cachés sous desruines, dans l'Asie ou dans l'Inde. Mais ils sontcomme ces instruments de musique du moyenâge, conservés dans la bibliothèque de Strasbourg:on les regarde d'un œil stupéfait, onn'en soupçonne pas le mécanisme, on a peineà concevoir que ces machines bizarres, énormes,aient jamais été mises en jeu par deshommes.
Que si du langage on veut descendre à l'écriture,les difficultés se multiplient et se compliquentd'une façon prodigieuse; et commela parole est insuffisante à la pensée, l'écritureest encore plus insuffisante à la parole.
Pour réduire les sons en caractères, il estimpossible de prendre son point d'appui dansla nature. La nature n'a aucune loi qui serveà déterminer le rapport du caractère au son.Tout y sera donc arbitraire et de pure convention.
Le clavier de la voix humaine articulée,renferme des sons et des nuances de son àl'infini; et il faut se borner à une vingtaine decaractères, car d'en assigner un à chaque son,à chaque nuance, on tomberait dans l'inconvénientdes Chinois, chez qui un mandarinpasse sa vie à étudier l'art de peindre la parole,et meurt avant de le posséder.
Représenter l'infini avec un nombre defigures excessivement limité, voilà le problème.On reconnaît tout de suite qu'il est insoluble.
Cependant combien a-t-on vu, voit-on etverra-t-on de gens qui se présentent avec assurancepour le résoudre? Ils veulent écrirecomme on parle. Écoutez-les: rien n'est plusfacile. Prenez seulement leur système. Et detous ces systèmes destinés à produire un seul etmême résultat, il n'en est pas deux pareils!
Ces réformateurs de l'orthographe ressemblentaux chercheurs de la quadrature du cercle,qui, pour la plupart, ne pénètrent mêmepas le vrai sens de la question.
Tout ce qu'il est permis de tenter, c'est d'approcherdu but