Supplément de ce numéro: grande gravure hors texte en
couleurs: Une noce dans l'île de Marken, par Georges Scott.
LA GAGNANTE DU PREMIER MILLION DE LA LOTERIE DE LA PRESSE
Mme Hofer, cantinière au 28e dragons, à Sedan,
dans l'exercice de sesfonctions, le lendemain du tirage.
Photographie de notre envoyéspécial, M. Abeniacar
... Gare de Lyon. Un landau qui passe, à grande allure; des agents depolice affairés; des passants qui saluent. On entend: «C'est lui...L'avez-vous vu? Où va-t-il?» C'est M. Loubet qui part en vacances.
Je le regarde descendre de voiture, souriant, serrer des mains,distribuer de bonnes paroles auxquelles répondent d'autres sourires. Etje pense à la chose exquise, ineffablement douce, que doit être un moisde repos à la campagne, quand on a été pendant onze mois «monsieurLoubet»!
Le hasard et ma curiosité m'ont souvent mise, depuis quelque temps, surle chemin de M. Loubet. Je l'ai vu recevoir des rois, présider desrevues, inaugurer des salons de peinture, assister à des fêtes degymnastique, suivre des courses de chevaux à Longchamp, et des concoursd'animaux gras au Champ de Mars, et des concours culinaires auxTuileries; je l'ai rencontré dans des expositions de fleurs, dans desexpositions de chiens, dans des expositions de tout; et je pensaissouvent: «S'amuse-t-il?» Or, s'il s'ennuyait, c'était merveille de voircombien sincèrement, en quelque lieu que ce fût, il avait l'air des'amuser, d'être pris par l'intérêt, grave ou léger, des choses qu'onlui montrait. Je l'observais à distance. Il parlait. Et, qu'il s'agît depeinture, d'élevage, d'horticulture, d'art militaire, de politique,d'hippisme, de médecine, de gymnastique ou de charité, j'étais frappéede voir combien ceux qui l'écoutaient goûtaient son éloquence familière,semblaient lui savoir gré d'être venu leur dire précisément les parolesqu'il leur disait.
M. Loubet, à présent, se repose sous les arbres. Il rêve. Il jouit de lavolupté de ne rien inaugurer, de ne rien présider, de ne rien célébrer,de ne rien commémorer. Pour quelques semaines, il a reconquis le droitde ne point sourire égalitairement à tout le monde; il se sent libre debâiller, libre d'aimer ce qu'il aime et de ne pas aimer ce qu'il n'aimepas. Ce sont là ses débauches...
Nos «potaches» aussi sont heureux. Ceux qui ont bien travaillé ont lajoie, en ce moment, de trouver leurs noms imprimés dans la gazette... Etcela nous fait, en vérité, des journaux très ennuyeux, où s'alignent descitations de discours de distributions de prix, en caractèresminuscules, et des noms, des noms, des noms... Je n'aperçois pasl'intérêt de cette réclame, faite à de petits succès d'enfants, etj'aimerais qu'on habituât les écoliers à triompher de façon plusmodeste, à n'avoir pas, dès l'âge de huit ans, la préoccupation de la«bonne presse». Cela vaudrait mieux pour eux, et pour la presse aussi.Il en est un peu des journalistes comme des comédiens. Nous sommes, àl'égard des gens de théâtre, animés d'une curiosité folle, puérile, unpeu maladive; nous n'entendons rien ignorer de leurs propos, de leursgestes, des plus secr