LOUIS CHADOURNE
ROMAN
PARIS
ALBIN MICHEL, ÉDITEUR
22, RUE HUYGHENS, 22
DU MÊME AUTEUR
POÉSIE
PROSE
En préparation :
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE
20 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DU JAPON
NUMÉROTÉS A LA PRESSE
DE 1 A 20
50 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE
NUMÉROTÉS A LA PRESSE
DE 1 A 50
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERGÉ PUR FIL
DES PAPETERIES LAFUMA
NUMÉROTÉS
DE 1 A 100
Droits de traduction et reproduction réservés pour tous pays
Copyright by Albin Michel 1920.
L’INQUIÈTE ADOLESCENCE
« Seigneur, souvenez-vous de Davidet de toute sa douceur. »
(Écritures.)
A LORTAL.
Quelle étrange apparition que la tienne, ce soird’octobre !
Des années et des années ont passé. Un gouffreme sépare de cette petite figure ; et pourtant elledemeure, dans ma mémoire, nette, découpée sur lagrisaille automnale, parmi tant d’autres images àdemi effacées.
Adolescence ! Lorsque ma songerie me ramènevers cette aube, il me semble pénétrer dans une forêtencore privée de feuillage, mais où mille forcesvertes bourdonnent et s’éveillent. Les arbres sontnoirs et nus, mais ils s’étirent avec une langueuravide vers le premier carré d’azur ; la fièvre d’avrilmacère leurs fibres ; l’écorce craque et s’ouvre surla tête grasse des bourgeons ; le vent, tour à tourtiède et glacé, émeut les futaies de soupirs, de plaintes,de sanglots, d’une vaste rumeur d’attente et dedésir. Et, brusquement, on est pris à la gorge parune odeur étrange, une odeur écœurante et douce,une odeur secrète qui est l’odeur même de l’amour.
Toutes les rumeurs, toutes les sèves de la forêt enéveil, je les retrouve en vous, adolescentes années :cette fièvre qui me brassait le sang, ces rêves d’aventures,ces tristesses, ces désespoirs, la découvertedes sons et des parfums, la découverte des nuits — etsurtout, à travers la poésie et l’amitié, à traversDieu lui-même, cette quête obscure de la volupté.
Tout cela, je le retrouve, parvenu au seuil del’âge mûr ; et quand je me penche sur cette sylvebruissante de ma jeunesse, c’est encore toi quej’aperçois au détour des allées, ô mon compagnon,ô mon ami.
Toi ou ton ombre !
Oui, quelle étrange apparition !
Soir d’octobre, soir de rentrée. Des groupes peubruyants se formaient dans la grande cour déjànoyée d’ombre : des groupes d’anciens qui se savaientchez eux, qui reprenaient leurs habitudes avec une