LIBRAIRIE BLANCHARD
RUE RICHELIEU, 78

ÉDITION J. HETZEL

LIBRAIRIE MARESCO ET Cie
6, RUE DU PONT-DE-LODI



George Sand



LUCREZIA FLORIANI




NOTICE

Je n'ai point à dire ici sous l'empire de quelles idéeslittéraires j'ai écrit ce roman, puisqu'il est accompagnéd'une préface qui résume mes opinions d'alors, et que cesopinions n'ont pas changé. Mais je tiens à bien dire ceque j'ai seulement indiqué dans cette préface à l'égarddes productions contemporaines dont j'ai critiqué la formeet rejeté l'exemple.

Ce n'est point par fausse modestie, encore moins parpusillanimité de caractère, que je déclare aimer beaucouples événements romanesques, l'imprévu, l'intrigue, l'actiondans le roman. Pour le roman comme pour le théâtre,je voudrais que l'on trouvât le moyen d'allier le mouvementdramatique à l'analyse vraie des caractères et dessentiments humains. Sans vouloir faire ici la critique nil'éloge de personne, je dis que ce problème n'est encorerésolu d'une manière générale et absolue, ni pour le roman,ni pour le théâtre. Depuis vingt ans, on flotte entreles deux extrêmes, et, pour ma part, aimant les émotionsfortes dans la fiction, j'ai marché cependant dans l'extrêmeopposé, non point tant par goût que par conscience, parceque je voyais ce côté négligé et abandonné par la mode.J'ai fait tous mes efforts, sans m'exagérer leur faiblesseni leur importance, pour retenir la littérature de montemps dans un chemin praticable entre le lac paisible etle torrent fougueux. Mon instinct m'eût poussé vers lesabîmes, je le sens encore à l'intérêt et à l'avidité irréfléchieavec lesquels mes yeux et mes oreilles cherchent ledrame; mais quand je me retrouve avec ma pensée apaiséeet rassasiée, je fais comme tous les lecteurs, commetous les spectateurs, je reviens sur ce que j'ai vu et entendu,et je me demande le pourquoi et le comment del'action qui m'a ému et emporté. Je m'aperçois alors desbrusques invraisemblances ou des mauvaises raisons deces faits que le torrent de l'imagination a poussés devantlui, au mépris des obstacles de la raison ou de la véritémorale, et de là le mouvement rétrograde qui me repousse,comme tant d'autres, vers le lac uni et monotonede l'analyse.

Pourtant, je ne voudrais pas voir la génération à laquellej'appartiens s'oublier trop longtemps sur ces eauxdormantes et méconnaître le progrès qui l'appelle sanscesse vers des horizons nouveaux. Lucrezia Floriani,ce livre tout d'analyse et de méditation, n'est donc qu'uneprotestation relative contre l'abus de ces formes à la moded'alors, véritables machines à surprises, dont il me semblaitvoir le public confondre avec peu de discernementles qualités et les défauts.

Dirai-je maintenant un mot sur mon œuvre même, nonpas quant à la forme, qui a tous les défauts (acceptésd'avance) que mon plan comportait, mais quant au fond,cette inaliénable question de liberté intellectuelle quechaque lecteur s'est toujours arrogé et s'arrogera toujoursle droit de contester? Je ne demande pas mieux.Victor Hugo, déniant au public, dans la préface desOrientales, le droit d'adresser au poëte son insolentpourquoi, et décrétant qu'en fait de choix dans le sujet,l'auteur ne relevait que de lui-même, avait certainementraison devant la puissance surhumaine qui envoie aupoëte l'inspiration, sans consulter le goût, les habitudesou les opinions du siècle. Mais le public ne se rend pas àde si hautes considérations; il va son train, et continueà dire aux grands comme aux petits: Pourquoi nous servez-vousce me

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